La Mongolie face à l'alcoolisme

Publié le 30 décembre 2024 à 10:28

 

À Oulan-Bator, lorsque l’on arrive à la gare routière pour quitter la ville en direction des plaines et des déserts, on se sent observé par des yeux globuleux et jaunâtres. Une légère odeur éthylique plane dans l’air. Je ne m’étais pas rendu compte de l’ampleur du problème avant de mettre les pieds dans cette fameuse gare. Des hommes titubent, le regard vitreux, et je me sens épiée. Mal à l’aise, je resserre les sangles de mon sac pour ne rien perdre. Certains hommes dorment à même le sol. Le spectacle est alarmant.

 

Je prends la direction des toilettes en prévision du voyage en bus de 16 heures qui m’attend. Le spectacle qui m’y attend est glaçant : du vomi partout, des excréments jonchent le sol, des hommes titubent, une bouteille à la main. L’odeur est nauséabonde. Je renonce.

 

C’est après cette expérience que j’ai rétrospectivement compris certaines scènes ou attitudes des Mongols que j’avais initialement attribuées au choc culturel.

Les premiers jours, j’ai failli me faire écraser à trois reprises. Arrivée à un carrefour, je traverse au vert. Une voiture tourne à droite sans me voir. Pourtant, je fais de grands gestes. La voiture avance sans ralentir. Paralysée de peur, je continue à gesticuler. Finalement, la voiture s’arrête à quelques centimètres de moi, alertée par les passagers qui me voient enfin. Je pensais que les Mongols étaient simplement distraits au volant, mais la scène s’est reproduite plusieurs fois. J’ai fini par comprendre : de nombreux conducteurs sont probablement ivres.

 

Une autre scène marquante me revient. Le premier soir, nous avions décidé de sortir en boîte de nuit avec un groupe de voyageurs rencontrés sur place. En chemin, j’ai vu plusieurs enfants, âgés à peine de 13 ou 14 ans, titubant, une bouteille de bière à la main.

Mais l’histoire la plus marquante reste celle qui s’est déroulée au nord, dans le village des rennes. Après deux jours de trajet en minivan russe, j’arrive finalement à Tsagaannuur, le village le plus proche avant de rejoindre la tribu nomade. J’y suis accueillie vers minuit par une famille qui m’héberge pour la nuit.

Le lendemain, le père de famille doit me conduire au village des rennes en van. Nous prenons la route et récupérons un couple de vieillards en chemin. Ils doivent avoir 70 ans, leurs visages sont brûlés par le froid, mais leur sourire est chaleureux. Nous faisons un arrêt dans une épicerie. J’achète des gâteaux pour les offrir à la famille. Quelques minutes plus tard, le chauffeur s’arrête à nouveau, dévisse la partie plastique de la lampe du plafond du van et y verse de la vodka. Tout le monde en prend un peu. Ils semblent légèrement offensés, ou du moins surpris, que je refuse.

 

Nous nous arrêtons ainsi toutes les 20 minutes pour un shot. Le lendemain matin, le conducteur devait me ramener après une courte nuit. Mais il est ivre mort, affalé au sol. J’ai dû improviser mon retour.

Il est indéniable que la Mongolie a un problème avec l’alcool. À tel point que le gouvernement a interdit la vente d’alcool tous les jeudis. Ce jour-là, il est impossible d’en acheter dans les supérettes. Cependant, cette mesure semble inefficace. Nous avons tout de même réussi à nous procurer des bières contre un petit pourboire. Ceux qui veulent boire le jeudi prennent simplement leurs dispositions pour constituer un stock à l’avance.

 

Je me suis interrogée sur les raisons de cette consommation excessive. Sans doute la proximité culturelle avec la Russie, l’ennui, le froid, ou encore les bouleversements liés à la modernisation et à l’abandon du nomadisme au profit d’une vie semi-sédentaire. Quoi qu’il en soit, les problèmes liés à la consommation d’alcool en Mongolie constituent aujourd’hui un défi majeur pour le développement du pays.

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Commentaires

Maman
il y a 11 jours

C est trop bien😘